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Wednesday, March 05, 2008

Hommage à notre frère Mahmoud Khelili,

combattant de la dignité humaine

" Ô toi, âme apaisée, retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agréée, entre donc parmi Mes serviteurs et entre dans Mon paradis ". (Coran).

Il y a 5 ans, disparaissait notre frère et compagnon de lutte pour le respect de la dignité humaine, Maître Mahmoud Khelili, terrassé par une crise cardiaque. Il représentait pour nous, génération de l’indépendance, un symbole de la lutte contre l’oppression et la hogra. En ce triste jeudi 06 mars 2003, l’Algérie des Hommes Libres venait de perdre l’un de ses rares véritables militants des Droits Humains.

Après un combat sans merci contre les hordes coloniales, en tant que maquisard de la wilaya IV, il s’engageait dès les premières années de la libération dans un autre combat, tout aussi harassant, contre les dérives des imposteurs qui avaient confisqué déjà l’indépendance (inachevée) de notre pays et les libertés de notre peuple.

Quand des bravaches commençaient, tels des charognards à dépecer le pays et à se servir, au nom d’une légitimité historique usurpée, lui, véritable moudjahid de la guerre de libération nationale, décidait de continuer à servir, au nom du devoir national.

Avocat des opprimés et des causes justes, il brillait par son courage, sa ténacité et sa générosité. Il défendra les prisonniers politiques de tous bords, sans exclusive ni exclusion, jetés en prison par les tuteurs de l’Algérie qui avaient pris le pouvoir par la force des baïonnettes et qui s’étaient proclamés « révolutionnaires » de l’Algérie « socialiste ». Un socialisme folklorique qui se terminera par une faillite sanglante.

Il dénoncera au début de la courte récréation démocratique qui suivra la manipulation sanglante d’octobre 88, les dérives d’une justice servile. Cette franchise et ce courage lui coûteront deux années de suspension. Ce n’est pas tant cette sanction qui l’affectera mais le silence lâche et assourdissant de beaucoup de ses confrères.

Durant la guerre menée contre la population par le quarteron de putschistes et leurs affidés de la « société servile », il sera à la pointe du combat pour le respect des droits humains bafoués quotidiennement au nom de la « sauvegarde » de l’Algérie…..des privilèges.

Il sera parmi les tous premiers avocats à dénoncer l’instauration des tribunaux d’exception calqués honteusement par les « juristes » de service et des « services » sur les « sections spéciales » de Vichy. Tout comme il sera le premier à appeler au boycott de ces juridictions de la honte.

En ces temps d’indignation sélective, il faisait partie de cette poignée de militants qui dénoncera haut et fort tous les actes de barbarie commis depuis le Coup d’Etat de 92, qu’il s’agisse de la torture institutionnalisée, des exécutions sommaires massives, des massacres de populations, des tueries des bagnes de Berrouaghia et de Serkadji, des viols collectifs ou de la politique planifiée des disparitions forcées.

Par sa ténacité et son magnifique courage, il démolira l’hideux mur de désinformation et de mystification, bâti par le pouvoir, ses commandos médiatiques et ses mercenaires de la plume. Il dévoilera à l’opinion publique internationale, le véritable visage de cette « seconde guerre d’Algérie » et son lot quotidien d’horreurs commis à la fois par le régime criminel et les groupes armés se réclamant faussement de l’Islam. Tous les dossiers et les cas en sa possession étaient publiés et remis à toutes les ONG internationales sans sélectivité aucune. C’est en grande partie grâce à ses dossiers que j’ai pu confectionner avec mon amie Salima Mellah d’Algeria-Watch en janvier 2002, les listes de milliers de cas de disparitions et d’exécutions sommaires.

Il fut avec une poignée de militants, à l’origine de la création de la première organisation des familles de disparus. Tout comme il fut le premier à mettre en garde ces mêmes familles du risque de récupération de la cause de leurs enfants à des fins inavouées par certaines officines étrangères. Chose qui ne tardera pas à arriver et qui provoquera la stérilisation puis l’implosion de cette association, à la grande joie des planificateurs de ce crime contre l’Humanité.

Ni les intimidations de la police politique (menaces de mort, arrestation de ses enfants sur la base de dossiers préfabriqués….), ni les insultes et autres diffamations de certains « journalistes » en service commandé ne viendront à bout de son inlassable combat.

Malgré un état de santé très précaire et qui s’était dangereusement dégradé, il poursuivra sa quête de vérité et son soutien aux familles des victimes de cette guerre cachée. Et il mourra comme il a toujours vécu : DEBOUT.

Son admirable et magnifique parcours de combattant libre et digne des droits de l’Homme restera gravé dans les tablettes de l’Histoire de l’Algérie. Il fait honneur à sa noble profession (oh combien souillée en ces temps d’imposture !) et aux Hommes Libres qui se sont sacrifiés pour une Algérie de Dignité et de Liberté.

Il a tracé la voie de l’Honneur, de la Dignité et du Devoir aux nouvelles générations.

Humble, il restera dans le cœur de tous les Humbles d’Algérie.

Son noble combat, qui est également celui des Algériennes et des Algériens dignes, sera poursuivi, comme promis, jusqu’à la libération de l’Algérie meurtrie des griffes de cette voyoucratie criminelle.

Je demande, à toutes celles et à tous ceux qui ont connu ce combattant de la Dignité Humaine, d’avoir, en ce 5e anniversaire de sa disparition, une pieuse pensée à sa mémoire.

« A Dieu nous appartenons et à Lui nous retournerons ».

Alger le 06 mars 2008

Salah-Eddine SIDHOUM

Image hébérgée par monsterup.com

Mahmoud Khelili au Palais de Justice de Paris.

Image hébérgée par monsterup.com

Mahmoud Khelili (à gauche) durant la guerre de libération nationale.

Oraison funèbre de Maître Mahmoud Khelili

Allahou Akbar…Allahou Akbar…Allahou Akbar.

Bismillahi Arrahmani Arrahim

« Très certainement. Nous vous éprouverons par un peu de peur, de faim et de diminution de biens, de personnes et de fruits. Et fais la bonne annonce aux endurants qui disent, quand un malheur les atteint : certes nous sommes à Allah et c’est à Lui que nous retournerons ». Le Saint Coran.

Grand frère Mahmoud

Ainsi tu nous abandonnes et tu nous quittes si vite, à un moment où nous t’attendions tous et que nous avions tant besoin de toi !

Nous t’attendions avec impatience pour t’entretenir du seul sujet qui t’importe vraiment depuis de nombreuses années, mais voilà que tu as préféré à notre rencontre, celle de ton Créateur. Mais tu as bien raison, qui donc pourrait refuser Son appel. Tu nous précèdes dans cette voie et nous te rejoindrons tous.

Nous sommes ici quelques uns de tes amis, de tes collègues et de tes admirateurs, rassemblés à la hâte dans ce pays d’exil pour te rendre hommage et te faire un dernier adieu.

Dans quelques heures, tu seras reçu comme tu le mérites par la foule de tes amis, de tes collègues et de tes admirateurs, sur le sol de ton pays auquel tu as tout donné. Eux sauront te faire l’accueil dont tu es digne, te rendre l’hommage que tu mérites, t’accompagner jusqu’à ta dernière demeure et te confier à cette terre que tu as tant aimée.

Allahou Akbar…Allahou Akbar…Allahou Akbar.

Grand frère Mahmoud !

C’est avec une immense tristesse que nous te faisons nos adieux, mais nous savons que quelque part, une foule de gens, attend ton arrivée avec impatience et qu’elle va t’accueillir avec des chants, dans la joie et l’allégresse.

Ce sont les milliers de disparus, enlevés par les despotes, auxquels tu as consacré les meilleures années de ta vie, dépensé des trésors d’ingéniosité, d’intelligence, de patience et de courage pour mettre des noms sur leurs cadavres et leur éviter de mourir deux fois.

Des milliers de disparus, leurs nombreuses familles et d’autres plus nombreux encore, témoigneront devant Le Tout Puissant que ta vie n’a pas été pas été vaine et en pure perte et qu’elle fut au contraire faite d’effort continu, de travail acharné, de don de soi et de générosité pour que cesse l’injustice et qu’enfin justice soit faite !

Mahmoud, Noble Chevalier !

C’est avec des cœurs lourds et attristés que nous te faisons nos derniers adieux. Ton départ nous prive d’un très cher ami mais aussi d’un vénérable maître. Tu nous a appris, ainsi qu’à toute une génération, par tes convictions profondes, la sincérité de ton combat et ton témoignage quotidien, le véritable sens de la vie. Tu nous as appris notamment que la vie n’a point de sens, ni de goût ni d’odeur, si elle n’était consacrée au service désintéressé de l’humanité et surtout des gens les plus démunis et si elle ne visait à consacrer les idéaux sans lesquels l’existence n’a plus de sens.

Mahmoud, mon ami !

Ta réputation nous est parvenue dans notre exil au début des années quatre vingt dix avec les premiers signes du drame qui continue encore à endeuiller la vie des algériens. Nous avons reconnu très vite en toi un noble et preux chevalier, qui, enfourchant pour simple monture la loi, surgît au secours des humiliés, des laissés pour compte, des victimes de l’iniquité et de la Hogra ainsi que de leurs familles, pour redresser les torts, faire la vérité et consacrer le règne de la justice sans laquelle on ne peut concevoir de société humaine viable.

Pendant des années, nous parvenaient les échos de ton combat Antarien avec les juges, les procureurs, la police et les services …et nous avions peur pour toi.

Pendant des années, nous parvenaient aussi les échos de vos plaidoiries devant les diverses juridictions, civiles et militaires, normales et exceptionnelles, mais toutes drapées dans la même iniquité…et cela augmentait notre inquiétude mais nous rendait encore plus admiratifs.

Pendant des années enfin, nous parvenaient tes attaques ciblées contre les véritables responsables du drame algérien et ceux qui l’ont alimenté pour mieux en profiter…et cela nous emplissait d’angoisse.

Tu étais, pour moi et pour tous ceux qui ne t’avaient pas encore connu directement, une espèce de taureau en furie, qui, au moindre geste, bondit sur l’ennemi pour le terrasser à l’aide de ses cornes faites de codes de la loi.

Quelle fût ma surprise quand je t’ai rencontré pour la première fois il y a six ans, de découvrir en toi, en lieu et place du taureau en furie, un superbe et fier lion n’inspirant que sérénité et sagesse. Tu m’a conquis par ton immense douceur, ta grande sensibilité et ta capacité d’écoute, ce qui constitue sans doute le caractère d’un homme sûr de lui.

Allahou Akbar…Allahou Akbar…Allahou Akbar.

Grand frère Mahmoud,

Je serais bien incapable d’énumérer toutes tes qualités et encore moins tes bonnes actions. Mais n’aies pas crainte, elles sont toutes consignées dans un Livre, tenu soigneusement par Le Meilleur Comptable.

Nous te disons Adieu grand frère et nous te faisons la promesse sincère des véritables croyants, que, tant que nous vivrons, nous cultiverons ton souvenir et nous resterons fidèles à la voie que tu nous as tracée. Nous défendrons les humiliés, les Moustadafines et toutes les victimes du despotisme à une époque où ce dernier, plus arrogant que jamais, semble se généraliser aux dimensions de la planète.

Mahmoud !

« Ô toi, âme apaisée, retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agréée, entre donc parmi Mes serviteurs et entre dans Mon paradis ». Le saint Coran.

Suit une prière.

Par Ahmed Manaï-

Mardi 11 mars 2003

Traduit de l’arabe.

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