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Tuesday, February 01, 2011

Gafsa: c'était hier


Le témoignage de Mohamed Lamari : 28/01/2011


Au mois de janvier 1980, la Tunisie a été secouée par une violente attaque de la ville de Gafsa par un commando armé composé de jeunes tunisiens, armés par la Lybie et ayant transité par l’Algérie.
Mohamed Lamari, militaire de carrière, était présent sur les lieux et nous livre son témoignage sur le déroulement des événements à Gafsa, ce dimanche 27 janvier 1980. Voir son témoignage en arabe: http://tunisitri.wordpress.com/wp-admin/post.php?post=997&action=edit/



I.T.R.I : Il y a quelques années vous avez publié un témoignage en arabe sur les événements de Gafsa de 1980 ; Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs francophones ce qui s’est passé réellement, ce jour là, à Gafsa, il y a près d’un tiers de siècle ?

Mohamed Lamari :

L’affaire a débuté le dimanche 27 janvier à 2 heures du matin, avec l’attaque conjointe, menée par un groupe armé d’une cinquantaine d’éléments, contre la caserne Ahmed Tlili, située au centre de la ville de Gafsa et la caserne Hédi Khefacha, située dans la périphérie. Cette dernière, occupée normalement par le 12ème régiment d’infanterie, était en ce moment là vide de ses occupants habituels, ledit régiment étant en manœuvre au Sahara.

Il y avait exactement une section pour assurer la garde, soit près de 33 soldats et l’encadrement ainsi que 300 jeunes nouveaux appelés, tous assommés par le vaccin TAB (antitparatyphoïdique), dont on ne se relève généralement qu’au bout de 48 heures. Il y avait aussi une compagnie du régiment d’honneur, revenant d’une mission à Tozeur où se trouvait le président de la république et en route vers Tunis.

Les deux casernes ont été attaquées simultanément et les assaillants surarmés, ont réussi à y pénétrer au terme de combats violents avec les gardiens allant jusqu’au corps à corps. Certains soldats blessés ont été achevés par les assaillants. Il y a eu de nombreux morts et blessés des deux côtés. Les assaillants se sont emparés par la suite d’importants stocks d’armes et de munitions qu’ils ont été incapables d’utiliser pour des raisons strictement techniques.

Les éléments du premier groupe, c'est-à-dire ceux de la caserne Ahmed Tlili, ont rejoint par la suite leurs camarades à la caserne Hédi Khefacha. Sur leur passage au souk hebdomadaire de Gafsa, ils ont essayé d’enrôler certains civils dans la révolution qu’ils préconisaient. Ils ont tiré et parfois tué nombre de ceux qui avaient refusé d’obtempérer et de prendre les armes avec eux.

Vers 8 heures du matin, les éléments armés ont rassemblé leurs « prisonniers » et les ont conduits au lycée pour les utiliser comme otages.

Vers 11 heures, deux compagnies du 33ème Régiment Motorisé Léger (RML) sous le commandement du Lieutenant Colonel Taher Boubaker arrivèrent de Kasserine, distante de 125km, entreprirent de nettoyer puis de prendre possession des deux casernes abandonnées par les assaillants et firent le siège du lycée occupé par le groupe armé et ses prisonniers. Aussitôt commença un échange de feu entre eux.

A 15 Heures, une compagnie de blindés (à laquelle j’appartenais) du 31ème régiment de blindés arriva de Gabès, distante de 136 km de Gafsa. Nous avons trouvé que tout était fini ; les soldats prisonniers avaient profité de l’échange de tirs pour s’enfuir, s’éparpillèrent dans la ville et rejoignirent les rangs de l’armée.
Les éléments du groupe armé ont été, soit tués soit arrêtés, à l’exception de quelques uns qui avaient réussi à s’échapper et à se réfugier dans les quartiers environnants.
Le lendemain 28 janvier, l’armée a entrepris de fouiller les quartiers environnants et notamment la cité Ennour où le groupe armé avait résidé avant d’entreprendre son attaque, et récupéré les armes et les munitions, celles dont le groupe s’était emparé ainsi que les siennes propres, de même que de nombreux documents et du matériel de communication.
Des éléments du régiment des commandos, appuyés par les blindés, ont pour leur part fait prisonniers certains fuyards. La traque des fuyards, ayant pu quitter Gafsa, s’engagea pendant les jours suivants notamment contre le chef du groupe Ahmed Almarghani et ses deux compagnons. Les trois ont été arrêtés deux semaines après cette opération, près de la ville d’El-hamma. Il s’avéra que Al-marghani et ses deux gardes corps, s’étant aperçu de l’échec de l’opération, avaient quitté Gafsa le 27 janvier au matin. Ils voulaient regagner la Libye.

En vérité, les assaillants n’ont réussi à occuper partiellement la ville que pendant 12 heures, de 2 heures du matin à 14 heures et non pas pendant une semaine comme il a été souvent dit et écrit.
D’autre part l’opération engagée par l’armée Tunisienne n’a pas eu besoin de renforts étrangers, comme certains l’ont prétendu. L’aide étrangère, c'est-à-dire française et marocaine, est venue plus tard et uniquement au plan logistique.
La France et le Maroc avaient mis des avions C130 et Transall pour le transport de troupes tunisiennes, d’armes et de munitions afin de renforcer les défenses du sud-est tunisien, à l’époque menacé.
Il ne s’agit plus donc de Gafsa mais du renforcement des défenses du sud-est tunisien réellement menacé, surtout que l’échec de cette opération fut considéré par le chef Libyen comme le sien propre.
Mohamed Lamari
Ancien militaire

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