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Sunday, September 18, 2011

Les arabes ...à la mémoire courte!

Cette lettre de Yûsuf 1er*, roi de Grenade, à son peuple, près d'un siècle et demi avant la chute de Grenade en 1492!

« … Réveillez-vous du sommeil où vous êtes plongés ! Rassemblez vos désirs éparpillés ! Préparez-vous à affronter le tonnerre et les éclairs fulgurants des malheurs… Car le grand de la Chrétienté (le Pape), celui qui est leur guide, celui à qui ils désirent sincèrement plaire en nous devenant hostiles, celui devant la croix duquel ils se prosternent en l’exaltant a vu que les dissensions les dévoraient, les croquaient et grignotaient, finissaient par les briser et les absorber, au point qu’il n’en restait ni nerfs ni os. Il a vu que ces discordes dispersaient ce qui était assemblé. Il s’est donc mis à réfléchir sur les moyens de réunir ce qui était séparé, de relever ce qui était abattu, de raccommoder ce qui était en pièce et lacéré. Il a lancé alors sur l’islam une nation dont le flot se déverse comme une pluie…(..) » Lettre citée par al-Maqqari, Nafh al- Tib, VI (extrait traduit par A.I. de Prémare, p.73-74)

Règne de Yûsuf 1er : 1333-1354 (733-755 H)

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Coïncidence de dates ou rancune coloniale tenace ?

« L’intelligence, c’est de bien retenir les expériences ».
L’Imam Ali

Le 19 mars 2011, la coalition occidentale bombardait la Lybie après le vote, le 17 mars, par le Conseil de sécurité de l’ONU de la résolution 1973 autorisant des frappes aériennes contre les forces de Mouammar Kadhafi. Officiellement, ces frappes avaient pour objectif la « protection » de la « population civile » libyenne. Le samedi 19 mars 2011, peu avant 18 heures, ce fut la France qui lança la première salve d’attaques en envoyant ses chasseurs bombarder des véhicules blindés des troupes de Kadhafi positionnés aux abords de Benghazi. Ces frappes donnaient le « coup d’envoi » de la guerre de l’OTAN destinée à renverser le régime de Tripoli.

Sept mois plus tard, le 15 septembre 2011, Nicolas Sarkozy, David Cameron et Bernard-Henry Levy se sont rendus en Libye pour saluer la « victoire » de leurs amis du Conseil National de Transition (CNT) libyen. Sarkozy et Cameron ont été les deux premiers dirigeants étrangers à faire le voyage en Libye après la prise de Tripoli par les troupes du CNT. A Benghazi, les deux dirigeants occidentaux ont été accueillis en grande pompe par leurs « protégés » du CNT qui avaient déployé d’énormes pancartes proclamant « Mr Sarkozy, Benghazi vous aime » et « Merci la Grande-Bretagne » et distribué des petits drapeaux français à la foule rassemblée. A l’arrivée des dirigeants occidentaux des « Kadhafi espèce de lâche, Sarkozy est sur la place », « One two three, merci Sarkozy » et « Cameron, nous t'attendions » furent repris par la foule.

Dans le cadre de ces deux évènements, les dates du 19 mars et du 15 septembre ne sont pas sans échos dans la mémoire des peuples du Maghreb et de leurs luttes pour la liberté contre l’Occident impérialiste. En effet, le 19 mars est la date anniversaire du « cessez-le-feu » intervenue à la suite de la signature des accords d’Evian par les représentants du FLN et du gouvernement français en 1962. Ces accords marquaient le succès des nationalistes algériens après huit ans de guerre de libération nationale. Les autorités coloniales françaises étaient contraintes de reconnaître le droit à l’autodétermination du peuple algérien ce qui aboutit à l’indépendance de l’Algérie le 5 juillet 1962.

Le 15 septembre est une date tout aussi symbolique dans l’histoire de la lutte de libération des peuples du Maghreb puisqu’elle est celle de l’anniversaire de la condamnation à mort du résistant libyen Omar al-Mokhtar par les autorités coloniales italiennes en 1931. Après avoir vaillamment tenu tête au colonisateur italien pendant plus de dix ans, Omar al-Mokhtar avait été fait prisonnier le 12 septembre 1931. Le 15 septembre il était rapidement jugé et condamné à mort par les autorités coloniales italiennes. L'exécution eut lieu le 16 septembre 1931, devant 20 000 Libyens. Par la suite, la Libye considéra le 16 septembre comme un jour de deuil et de commémoration en l’honneur du martyr Omar al-Mokhtar qui demeura un symbole de la résistance à la colonisation.

Avoir choisi ces deux dates symboliques pour diriger l’action de la France en Libye n’est peut-être qu’une étrange coïncidence de dates résultant des « hasards » du calendrier diplomatique. Mais connaissant la longue mémoire et la rancune tenace du colonialisme, il serait opportun de s’interroger sur la symbolique de ces dates qui ne sont surement pas totalement anodines.

La France lance une attaque contre un pays du Maghreb le 19 mars à la date anniversaire du jour où elle a été contrainte de reconnaître le droit à l’autodétermination du peuple algérien. Cela apparaît comme une volonté déterminée de prendre une revanche sur l’histoire en signifiant que le retrait des troupes françaises du Maghreb arabe n’était qu’une parenthèse devant être refermée à la première occasion. Cette parenthèse refermée, la France pourra poursuivre sa politique coloniale débutée militairement en 1830 par la conquête de l’Algérie. La date symbolique du 19 mars apparaît comme un signe clair des intentions françaises en Libye.

L’arrivée en Libye de deux dirigeants occidentaux le jour de l’anniversaire de la condamnation à mort d’Omar al-Mokhtar apparaît tout autant comme une volonté de revanche sur une figure de la résistance à la colonisation. En plus de profaner la mémoire de ce grand moudjahid, il s’agit pour les puissances coloniales d’envoyer un message clair montrant quel sort sera réservé à tous ceux qui s’opposeraient à leur projet de domination impériale du monde arabo-musulman.

Décidément, tout cela montre bien que le colonialisme à la mémoire longue et la rancune tenace…

Youssef Girard

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