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Wednesday, November 23, 2011

le glacis du despotisme ou les feux de l'occupation ?

N'aurions-nous que le choix entre le glacis du despotisme et les feux de l'occupation ?
Dr
. Ali Benmohamed

Texte Original en arabe :

http://www.assala-dz.net/ar/index.php?option=com_content&view=article&id=1372:2011-11-21-07-56-43&catid=14:2010-08-17-10-28-57&Itemid=20/

Or, qu'en est-il dans notre Algérie qui a connu toutes les adversités ? N'est-il pas temps de cesser les hésitations et de rompre avec les vieilles recettes bureaucratiques et avec les tactiques éculées pour gagner du temps ?... En entamant de vraies réformes, à travers une instance nationale crédible, représentant toutes les forces qui comptent dans le pays, en vue d'élaborer une feuille de route devant conduire notre peuple à une transition concrète et pacifique, avec des étapes clairement définies et se déroulant selon un calendrier bien précis, pour aboutir à l'instauration d'un système politique civil, démocratique, républicain et juste, entièrement consacré à la résolution des vrais problèmes, par la mobilisation des ressources du pays au service d'un développement national, à la hauteur des sacrifices du peuple.

Ali Benmohamed

Nous sommes les enfants du peuple qui a connu l'épreuve de l'occupation et les brûlures des feux de son racisme barbare… Nous sommes les enfants de la génération qui a ouvert les yeux sur les dernières années de la colonisation et qui ont compris la signification du concept de conscience nationale avec l'aube naissante de l'Indépendance…. Nous sommes ceux qui avons constaté de visu, l'étendue des prédations historiques perpétrées par l'occupant ; tant il est vrai que le malheur a accompagné chacune des étapes de sa présence dans notre pays ; l'invasion de notre pays, tout comme sa libération, ont été synonymes de tueries, de destructions, de terreur et de dévastations.

L'occupant n'a eu de cesse, avant de partir, de laisser la moindre parcelle de notre sol, sans l'avoir jonchée de cadavres, de crânes, de membres, après en avoir irrigué la surface, du sang des martyrs et des moudjahidine… Nous sommes les témoins vivants du malheur de notre pays, avec le reste de ce qui reste de moudjahidine qui ont porté le pacte de la libération de la patrie et lui sont restés fidèles…

Personne parmi eux, ni parmi nous, n'avait alors imaginé qu'au bout de 50 ans, nous allions nous retrouver – tout comme la génération des jeunes d'ailleurs – face à une alternative dont les deux termes sont aussi terrifiants l'un que l'autre : l'occupation étrangère ou la tyrannie nationale ? Comme s'il s'agissait-là d'un destin inéluctablement scellé pour nos générations confondues, sommées de choisir entre deux sorts tout aussi effrayants, tout aussi insupportables, tout aussi intolérables !

Qui est donc responsable de ce dilemme tragique où le peuple n'a pas d'autre choix, en dehors de la tyrannie du pouvoir national ou du spectre d'une occupation étrangère, toujours à l'affût, avec son cortège classique d'hostilité, de crimes et de complots ?

Dès l'avènement de l'Indépendance, nous avons connu l'intrusion quasi forcée dans la vie intellectuelle et culturelle de notre société encore balbutiante, d'une dualité de standards et de thèses alternatives étranges, dont nous n'avons pas encore fini de payer les lourdes conséquences sur la santé de notre société et la solidité du tissu social, à la base de l'unité de la nation.

On a pris l'habitude de considérer cette schizophrénie de notre société, comme étant une simple querelle interne entre les différentes composantes d'une élite nationale plurielle, au plan de ses référents, comme au plan de ses horizons. Encore que beaucoup considèrent une partie de cette élite comme étant le prolongement de desseins étrangers visant à pérenniser et à étendre une certaine domination linguistique et culturelle et partant, économique et politique sur l'ensemble du pays et de son peuple.

Nous aurons l'occasion de développer plus largement ce sujet ; aujourd'hui, nous voulons limiter notre propos de la semaine à l'effroyable alternative dont nous avons titré ces quelques lignes :

Ou bien, subir ad vitam æternam une tyrannie qui se maintient par la violence et se perpétue par son autoreproduction parfois quasi dynastique, ou bien le retour de l'occupant étranger sous un nouveau visage…

Comment en est-on arrivé là ? Et qui est responsable de cette évolution catastrophique d'un printemps arabe dont les florilèges et les horizons étaient pleins d'un avenir en rose ?

Nous ne pensons pas qu'il se trouvera un seul arabe, ou même un non arabe, qui ne puisse pas comprendre aisément – sans qu'il soit besoin de longues explications ni d'analyses savantes - l'importance cruciale à tous points de vue, de l'aire géographique à laquelle nous appartenons, en particulier aux plans économique, politique et stratégique ; importance qui fait de notre région arabe, l'objet d'un intérêt permanent des puissances dominantes, en temps de paix comme en temps de guerre ; ce qui nous vaut d'être soumis à une observation tout aussi permanente par tous les moyens humains et technologiques dont ils disposent, afin que rien ne puisse arriver dans notre région en dehors de leur volonté, ou qui puisse menacer leurs intérêts et les intérêts de leurs alliés, dont Israël en tout premier lieu, ainsi que leurs vassaux, les régimes autoritaires arabes dont le maintien au pouvoir constitue le plus sûr garant du maintien de leurs intérêts. A telle enseigne que certains de nos potentats ont fini par se transformer en gardiens vigilants et fidèles des intérêts de leurs maîtres, n'hésitant jamais, pour leur complaire, à nuire à leurs propres frères et pairs, voire à perpétrer de véritables infamies contre leurs propres peuples.

Et c'est dans ce contexte qu'est intervenue la surprise dans un pays arabe voisin dont nul ne pouvait imaginer qu'il ouvrirait un jour, la marche des révolutions arabes, tellement était solide, la réputation des organismes sécuritaires sévissant dans ce pays, en fait de répression et de terreur qui s'abattaient sans quartier, sur tout ce qui pouvait ressembler à la moindre velléité de desserrer les entraves qui enserraient les gorges et étouffaient les poitrines.

Et le régime dictatorial et corrompu est néanmoins tombé à Tunis.

A peine une poignée de jours plus tard,… l'Egypte à son tour se lança dans une révolution populaire qui allait balayer en quelques semaines un régime corrompu et traître, qui ne le cède en rien à son clone tunisien, en fait de services de répression et de terreur. Ce fut le temps de la joie et des réjouissances partout en Egypte et dans tous les autres pays arabes….

Mais au milieu de cette accélération des évènements dans notre région arabe, un fait étrange a tôt fait d'attirer l'attention des observateurs : l'absence remarquable de la moindre réaction en provenance des puissances dominantes de l'Occident, réaction susceptible, de par sa force et sa rapidité, de rétablir le brusque déséquilibre, pour l'heure, rompu en faveur des populations des deux pays en révolution, la Tunisie et l'Egypte. Car, si la surprise était totale, au regard de la Tunisie, au point que les puissances dominantes n'avaient d'autres choix que de faciliter la fuite du fuyard et d'acquiescer à la prise en mains de la situation par l'armée, afin de sauvegarder leurs intérêts d'un effondrement total et de circonscrire à un minimum de dégâts, les conséquences prévisibles de la colère du peuple,… pour l'Egypte en revanche, et dans une espèce de scénario pour le moins bâclé, ces mêmes puissances dominantes se sont vues acculées, de par l'ampleur du soulèvement du peuple, à montrer leur solidarité (!) avec les revendications de celui-ci en réitérant à plusieurs reprises leurs exhortations à la démission immédiate du Chef de l'Etat, tout en organisant derrière les coulisses, la continuité du régime à travers son successeur désigné, de longue main préparé pour cette mission. Sauf que le peuple égyptien a étouffé dans l'œuf cette tentative ; d'où le recours une nouvelle fois à l'armée pour jouer son double rôle comme ce fut le cas en Tunisie, dans la perspective qu'une telle pause puisse permettre à ces puissances dominantes de redéployer leur jeu, pour sortir d'une telle situation avec le minimum de pertes pour leurs intérêts.

Or, voilà qu'explose le volcan libyen dans la "Jamahirya du colonel". Et là aussi, tout comme en Tunisie ou en Egypte, les revendications initiales du peuple, n'excédaient pas le seuil de quelques desideratas tendant à alléger le poids d'un autoritarisme absolu et ouvrir quelque peu le champ des libertés publiques en cessant de considérer le pays comme une exploitation familiale…. Mais la réaction du "Guide-doyen" et de sa progéniture vint sous forme de représailles violentes, de bombardements intenses, de punitions cruelles et d'insultes vulgaires à l'endroit du peuple. D'où les craintes des sympathisants – arabes et non arabes – avec les révolutionnaires, sur le sort qui attendait ces derniers et leurs familles, y compris leurs femmes et leurs enfants ; en particulier lorsque le "guide" mit en branle tout son potentiel de guerre et son armement lourd en direction de la ville de Benghazi, devenue le lieu de rassemblement de la majorité des opposants qui ont osé défier l'autorité du colonel tyran.

Cette fois-ci, l'Occident ne fut pas pris au dépourvu par les évènements, pas plus qu'il ne fut contraint d'improviser, car, ses Services de Renseignements avaient élaboré entre-temps, des rapports analytiques détaillés, dressant la liste des pays en passe de connaître des explosions révolutionnaires populaires imminentes. Et de fait, il était indiqué dans ces rapports, que les pays arabes étaient pratiquement tous au bord de l'explosion, avec la Libye en tête de liste.

La France est alors entrée en lice, sous les apparences trompeuses d'un humanisme qui se voulait plein de compassion et de miséricorde pour le peuple libyen ; ceci pendant que d'intenses contacts se multipliaient avec la Grande Bretagne autour d'un plan qui prit nom de "protection des civils" et reçut le feu vert nécessaire du grand frère américain qui est, comme chacun sait, le parrain incontournable de toutes les "missions humanitaires" de ce genre…. De plus, seuls les américains pouvaient garantir un succès diplomatique au Conseil de "Sécurité" (!) où l'intransigeance occidentale réussit tout de même à impliquer la Russie en l'entraînant à approuver une Résolution d'une rare mauvaise foi, montrant ses initiateurs sous les dehors de l'agneau innocent qui ne demande rien d'autre que d'interdire de vol, l'aviation du bouillant colonel pour l'empêcher de perpétrer un génocide contre une grande partie de son peuple.

Et il arriva ce qui devait arriver et dont tout le monde connait l'issue, à défaut d'en connaître, jusqu'à présent du moins, les dessous cachés. Mais le pire cette fois-ci, et contrairement à ses positions d'antan, ambigües, négatives voire empreintes de félonie, de ceux que le défunt Président Boumédiène qualifiait d"Arabes de l'Amérique" auxquelles nous avait accoutumés, cette vieille institution momifiée et d'une indolence légendaire qu'est la Ligue Arabe, a fonctionné à visage découvert, en s'intégrant clairement dans les plans de l'O.t.a.n.

La Syrie constitue à présent un nouveau chantier ouvert pour cet activisme débordant [de la Ligue arabe]. Et il s'agit ici tout à la fois, d'un malheur qui s'abat sur l'ensemble de la Oumma et d'une tragédie qui frappe le peuple syrien, du fait de la stupidité d'un régime incapable de faire droit aux revendications de son peuple et sourd aux appels d'une avant-garde de patriotes sincères qui n'ont pas cessé depuis longtemps déjà, d'exhorter le régime à entreprendre de véritables réformes permettant d'associer les citoyens à la gestion des affaires du pays en y instaurant la démocratisation, la transparence et l'alternance au pouvoir… C'était autant s'adresser à un mur.

Aujourd'hui en Syrie, la conscience des arabes est doublement crucifiée : la première planche de cette croix, c'est celle de la stupidité du régime syrien – une stupidité largement partagée du reste, par les autres régimes arabes qui sont comme on sait, à la source de tous les malheurs de notre Oumma – un régime syrien disions-nous, qui a opposé un refus obstiné et criminel à toutes les voix de la raison qui lui conseillant d'agir avant qu'il ne soit trop tard, alors qu'à l'évidence, il voyait bien que les pièges d'une destruction programmée se refermaient un à un autour de la Syrie ; un pays qui jouit d'une place particulière dans les cœurs des arabes. Quant à la seconde planche de cette croix, elle provient du tronc d'un palmier enraciné dans une oasis arabe et portée par des gens à keffieh, alliés d'une puissance ayant derrière elle une longue expertise historique dans l'art sanglant d'enfoncer les clous, de pendre les hommes libres, de crucifier les peuples et de détruire les nations… une puissance qui se présente à nos benêts de dirigeants – y compris parmi certaines "élites"– sous les oripeaux du Sauveur salutaire…

Quel patriote libre, quel nationaliste authentique, quel homme raisonnable serait-il capable, l'esprit apaisé et la conscience tranquille, de trancher librement son choix entre la direction politique syrienne actuelle et le peuple syrien ? D'un coté, une direction politique chaque jour davantage déstabilisée et ne cessant de crier au complot, à son corps défendant, même si ses relais médiatiques officiels sont totalement discrédités depuis bien avant le déclenchement de la révolution ; car il s'agit bien d'un complot des américano-sionistes et européens, flanqués de leurs supplétifs des monarchies du Golfe qui fournissent au moins la couverture de la Ligue Arabe…. Et même de la majorité des autres pays, qui par crainte, qui par cupidité, qui tout simplement par apathie, voire les trois à la fois… Nous nous interrogions donc, qui pourrait trancher entre cette réalité-là et l'autre réalité ? Celle d'une partie considérable du peuple syrien dont les citoyens et les citoyennes présentent leurs poitrines nues aux violences et aux tirs des hordes sécuritaires barbares en criant "A bas le régime !"; un régime qui n'a même pas su comprendre, qui n'a même pas su distinguer entre de simples manifestations populaires conjoncturelles, passagères, que l'on peut réduire en un jour ou en une poignée de jours, avec de simples forces de police et une révolution véritable qu'il n'a pas su discerner ; celle d'un peuple décidé à ne plus revenir jamais, à la case départ, c'est-à-dire à la case de l'obéissance et de l'humiliation, quels que pourraient être les sacrifices consentis et quels que pourraient être les degrés des tortures et les souffrances à endurer.

La Syrie ne sera pas la dernière, par plus qu'elle n'aura été la première… La liste de ce qu'on appelle "Les Républiques arabes" reste ouverte et elles y passeront toutes, l'une après l'autre… Alors que [ironie de l'Histoire !] les royaumes et les émirats viennent quant à eux, de consolider leurs rangs au sein d'un seul et même front unifié, après que le Conseil de Coordination des pays du Golfe se soit élargi aux deux royaumes qui n'en faisaient pas encore partie, la Jordanie et le Maroc. D'ailleurs, les dernières positions politiques au sein de la Ligue arabe, se passent de tout commentaire. Et félicitations donc, aux arabes pour l'avènement imminent de leurs "démocraties" et autres "révolutions" programmées ; ainsi qu'aux Majestés et aux Altesses qui se sont chargées de les diffuser…

D'où faudra-t-il puiser – ô mon Dieu ! – l'énergie qu'il faudra mettre pour convaincre les inconscients – ou pire, ceux qui feignent l'inconscience – parmi ceux qui restent de dirigeants, que leur tour est en train d'arriver, et celui de leurs pays avec, s'ils ne se réveillent pas de leur torpeur et s'ils n'en reviennent pas de leurs folles illusions que leur pays "est différent" et que ce qui est arrivé aux autres n'arrivera pas chez eux, à cause de ceci ou de cela…en se lançant dans de piètres et stupides explications qui pourraient prêter à sourire, n'eût été la gravité d'une situation qui pourrait à tout moment basculer dans une vraie tragédie faite de larmes, de sang et de remords amers opprimant les poitrines, quand les remords n'y pourront plus rien.

Or, qu'en est-il dans notre Algérie qui a connu toutes les adversités ? N'est-il pas temps de cesser les hésitations et de rompre avec les vieilles recettes bureaucratiques et avec les tactiques éculées pour gagner du temps ?... En entamant de vraies réformes, à travers une instance nationale crédible, représentant toutes les forces qui comptent dans le pays, en vue d'élaborer une feuille de route devant conduire notre peuple à une transition concrète et pacifique, avec des étapes clairement définies et se déroulant selon un calendrier bien précis, pour aboutir à l'instauration d'un système politique civil, démocratique, républicain et juste, entièrement consacré à la résolution des vrais problèmes, par la mobilisation des ressources du pays au service d'un développement national, à la hauteur des sacrifices du peuple.

Dr. Ali Benmohamed (*)

(*) Ancien Ministre de l’Éducation Nationale.

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Traduit de l'arabe par Abdelkader Dehbi. - http://abdelkader.blogs.nouvelobs.com/

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