L’imam de la Mosquée Al-Aqsa à Algeriepatriotique : «Benhadj, Abassi et Ghannouchi sont des ignorants» (II)

Article | 22. mai 2013 - 10:03
Cheikh Salah-Eddine Ibn Ibrahim Abou Arfa. D. R.
Cheikh Salah-Eddine Ibn Ibrahim Abou Arfa. D. R
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Algeriepatriotique : L’Algérie a vécu les affres du terrorisme, juste après la fin de la guerre en Afghanistan et le retour au bercail de ceux qui étaient appelés les «moudjahidine», qui décident alors de reprendre les armes contre leurs propres frères. Qui a manipulé les esprits de ces gens-là jusqu’à leur faire prôner la fitna, pourtant prohibée en islam ? Et d’où tenaient-ils leurs fatwas jugeant de la foi ou de l’impiété des gens ?
Cheikh Salah-Eddine : Aujourd’hui, les Frères musulmans, Al-Qaïda et consorts s’imaginent qu’ils sont les mieux placés pour se substituer à Dieu ou du moins parler en Son nom, c’est pour eux le prix de leurs offrandes. Les premières offrandes, ce sont leurs frères musulmans. Comment un musulman peut-il tuer un autre musulman, si lui-même ne considère pas que Dieu ne va pas le lui reprocher, voire même qu’il va l’accepter comme une offrande pour le jour du Jugement dernier ? Le Coran a tout explicité, mais depuis l’avènement de Sayyid Qutb, de Ghannouchi, d’El-Banna, d’Al-Qaradawi, les musulmans ont délaissé les prophètes et le Coran. Ces imposteurs s’en réfèrent à des hadiths peu fiables pour justifier la guerre contre ceux qui sont jugés réfractaires à la religion.
L’Algérie a été le premier pays à pâtir du terrorisme. La voix de ceux qui prononçaient des fatwas autorisant le meurtre des Algériens avait pris le dessus sur celle des imams opposés à la fitna. Est-ce à dire que les partisans du mal sont plus forts que les partisans du bien dans notre monde musulman, voire dans le monde entier ?
Les partisans du mal ont de tout temps été les plus forts, sauf à des époques rares de l’Histoire. Le Prophète (QSSSL) a dit : «Le jour du Jugement dernier, les croyants, comparés aux non-croyants, sont comme un poil blanc dans le pelage d’un taureau noir.» Toute la moralité est dans la distinction qu’on doit faire entre ceux qui, comme les Frères musulmans et consorts, mais aussi comme Pharaon, s’empressent de gagner la vie d’ici-bas en pensant pouvoir s’y éterniser, et ceux qui, comme les prophètes, ont toute leur vie œuvré pour gagner l’au-delà, comme le Tout-Puissant le leur a dicté. Encore une fois, et j’assume entièrement mes propos, je dis que rien dans le Coran et le hadith n’indique quelque légitimation que ce soit d’une conquête du pouvoir au nom de Dieu ou de Sa religion. Les prophètes nous ont ordonné d’obéir à Dieu, qui est seul à décider de nous en donner. Dieu a dit : «Allah a promis à ceux d'entre vous qui ont cru et fait les bonnes œuvres qu'Il leur donnerait la succession sur terre comme Il l'a donnée à ceux qui les ont précédés.» Il n’a pas dit : «Confiez-moi le pouvoir !» Et lorsqu’Il nous a ordonné de combattre les impies, il nous l’a recommandé après nous avoir puissamment établis sur la Terre : « Mais Nous voulions favoriser ceux qui avaient été faibles sur terre et en faire des dirigeants et en faire les héritiers et les établir puissamment sur terre.»
L’une des têtes de discorde en Algérie, le chef du parti religieux extrémiste appelé frauduleusement Front islamique du salut, Abassi Madani, qui réside actuellement au Qatar. Pensez-vous que ce parti dissous a été l’œuvre des sionistes et de leurs alliés arabes pour déstabiliser l’Algérie de l’intérieur, maintenant que les choses commencent à s’éclaircir après ce qui s’est passé en Libye et en Syrie ? Autrement dit, pensez-vous que ce qui a été manigancé pour l’Algérie au début des années 1990 ressemble à ce qui se trame aujourd’hui contre la Syrie ?
La malheur porte plusieurs visages, mais ça en reste un. Le premier malheur, c’est cette volonté de diviser la communauté musulmane. Les Frères musulmans ont poursuivi l’œuvre des sectes qui les ont précédés, en faisant leur la devise des Banû Israïl : «Nous sommes les fils et les aimés de Dieu», en ce sens que ceux qui ont suivi leur voie sont considérés comme des leurs, et ceux qui ne l’ont pas suivie sont considérés comme non musulmans. Cela les a amenés jusqu’à tuer et exterminer des populations, comme cela été le cas en Algérie. J’ai écouté le dénommé Ali Benhadj, je trouve qu’il est un parfait idiot, sur qui s’applique le qualificatif employé par le Prophète (QSSSL) : sufaha al-ahlam (les fantaisistes, les illuminés), c’est un vrai kharijite. Cela fait vingt ou trente ans que cet homme prétend être légataire d’un savoir, alors qu’il n’est qu’un diable qui ne connaît rien de la sagesse du Prophète (QSSSL). Je l’ai entendu se référer au Coran comme l’on se réfère à des versets sur les ablations pour le djihad, ou à des versets sur le mariage pour la guerre. Ces gens-là ne connaissent rien. Ils mélangent des versets sur les croyants avec des versets sur les impies. C’est le cas d’Ali Benhadj, d’Abassi Madani et de Ghannouchi. Avant, je croyais qu’ils en savaient quelque chose, mais je me suis rendu compte qu’ils ne connaissent rien au Livre saint. Sur une chaîne de télévision, on a vu Ghannouchi clamer : «Nous avons tué ceux qui ont attaqué l’ambassade à Tunis, c’est la preuve que nous vous protégeons et protégeons vos intérêts !» Lorsqu’Al-Qaradawi, tête de pont des Frères musulmans et des sectes réfractaires, appelle l’Amérique, la Grande-Bretagne, la France, qu’il qualifie de «nations capables», pour faire chuter le régime syrien, c’est comme s’il leur promettait d’assurer la sécurité de l’Etat hébreu voyou. Mon conseil à tous les Algériens : ne vous fiez pas à ceux qui vous suggèrent d’adhérer à leur secte, car ceux-là vous conduiront à l’enfer.
La fitna va-t-elle s’étendre aux pays du Golfe, à votre avis ?
Nous ne souhaitons de mal à aucun pays musulman, et nous prions Dieu qu’Il protège tous nos pays des malheurs. Mais si les musulmans restent sous la houlette des ennemis d’Allah et continuent à les craindre et à leur obéir, il est certain qu’ils vont en payer le prix dans la vie d’ici-bas, avant l’au-delà. Mon conseil à tous les peuples musulmans est de n’obéir qu’à Dieu et à Son Prophète, c’est leur seul salut. Je m’adresse tout d’abord au peuple algérien, parce qu’il est particulièrement visé, même s’il a été le premier à en payer le prix fort : je prie Dieu qu’Il consolide leur paix et leur foi, et les avertit contre ces partis et sectes qui ont à leur tête les Ali Benhadj, Abassi Madani, Ghannouchi et les Frères musulmans. Ils ne vous guident pas vers ce qui est écrit dans le Coran, mais vers leurs petites personnes. Ne les suivez pas ! Ils ont détruit nos pays ! Les Frères musulmans sont à l’origine du sang qui est versé aujourd’hui en Syrie. Ils veulent y régner même sous la couverture de l’Occident. Ne les croyez pas quand ils vous disent qu’ils combattent cet Etat voyou et luttent pour libérer Beyt El-Maqdis. Un de ces cheikhs, qui aime se présenter comme le cheikh d’Al-Aqsa, prétend que la libération d’Al-Qods passerait par Damas, en la brûlant.
Vous combattez, aux côtés d’éminents oulémas tels que Cheikh Imran Hosein et d’autres, pour montrer le chemin de la vérité. Avez-vous songé à créer une organisation réunissant des oulémas et des théologiens de tous les pays arabes et musulmans pour combattre la fitna et rétablir la juste signification des concepts ?
Que les musulmans s’entendent pour bien faire et s’unissent pour le bien de la oumma, c’est toujours une chose à bénir. Mais de grâce, épargnez-moi ces appellations : organisations, associations… que je n’aime pas. Des amis n’ont pas besoin de s’organiser pour prêcher la bonne parole. Nous avons aujourd’hui ce qui s’appelle l’Union mondiale des oulémas que je condamne d’ici, de ma tribune. Ce satané Al-Qaradawi seul a décidé de la dénommer «Union des oulémas», or, il sait bien que personne ne l’écoute. Les fatwas et les feuilles jaunes qu’il publie ne signifient rien, et ceux qui croupissent dans cette Union ne savent que dalle. Je n’exagère pas, mais ce ne sont que des ignorants. Al-Qaradawi lui-même a travesti ouvertement le Coran et les paroles du Prophète (QSSSL), en appelant à se rebeller contre les gouverneurs. Quant à Cheikh Imran Hosein, il est, à ne point en douter, bien meilleur que beaucoup de nos cheikhs. Mais j’ai quelques réserves sur sa démarche, que je me permets ici d’exprimer en toute fraternité. Il pense que ce qui se qui se passe dans notre région est un complot américano-sioniste, seulement il fait dans le deux poids deux mesures. Il rejette ce plan en Syrie, mais il le voudrait bien pour les pays du Hedjaz (le Golfe persique), il le rejette en Libye, mais il est pour en Irak, par exemple. Ce qu’ont fait les oulémas chiites. Ce qui est inacceptable et une tricherie. Autre chose : mon frère Cheikh Imran Hosein invite les croyants à s’imprégner de l’eschatologie (akher ezzamân), je lui pose alors la question : si vous avez eu cette science du Prophète Mohamed, dernier des Messagers, qui a prédit la fin des temps, il faut alors se référer à ses paroles, lorsqu’il nous a défendu de destituer nos gouverneurs. Je sais bien que Cheikh Imran m’écoutera, et si vous avez des contacts avec lui, je vous prie de lui transmettre mes salutations. J’espère que mon conseil sera bien reçu. Il n’est pas comme Ali Benhadj ou Abassi Madani, il me paraît au contraire plus proche de la Vérité.
L’avenir de la oumma paraît sombre. Entrevoyez-vous des signes d’espoir, ou la situation va-t-elle empirer, selon vous ?
J’en appelle aux musulmans pour qu’ils ne perdent pas espoir en Dieu et leur rappelle que leur salut est dans leur foi en Lui et dans le Jugement dernier. Rappelons-nous qu’à l’époque de la Révélation, les gens étaient dans une situation pire que ce qu’ils n’avaient jamais vécu. Mais grâce à Dieu, ils ont été délivrés de leurs souffrances. «Quoi ! Quand un malheur vous atteint – mais vous en avez jadis infligé le double – vous dites : «D’où vient cela ?» Réponds-leur : «Il vient de vous-mêmes». Certes, Allah est Omnipotent. Et tout ce que vous avez subi, le jour où les deux troupes se rencontrèrent, c’est par permission d’Allah, et afin qu’Il distingue les croyants et qu’Il distingue les hypocrites. On avait dit à ceux-ci : «Venez combattre dans le sentier d’Allah, ou repoussez [l’ennemi]. » Ces versets ont été interprétés par les kharijites comme un appel à combattre les musulmans, au sens où tous les musulmans deviendraient hypocrites. C’est l’idée que s’en fait Ali Benhadj. Mais, lui, il n’est que le produit de Sayyid Qutb, qui lui-même a suivi le chemin de ses prédécesseurs dévoyés. Les Frères musulmans en Egypte et aussi en Tunisie ont bien pris leur part de la vie d’ici-bas, mais l’on ne sait rien sur ce que Dieu leur réserve dans l’au-delà. Ils aiment répéter qu’un seul prophète a régné sur son peuple ; mais si cela était vraiment un droit divin, qu’en serait-il des autres : de Sidna Nouh, à Ibrahim, à Zakaria, à Yahia, à Ismaïl, à Lout. Doit-on laisser tous ces prophètes et suivre Qutb, Al-Qaradawi, Ali Benhadj, Ghannouchi et Abassi Madani ? Tous les êtres humains ne sont rien s’ils refusent d’obéir aux prophètes.
Je veux conclure en adressant mes salutations au peuple algérien, et mes vœux de paix et de succès. Nul succès pour l’homme en dehors de son obéissance à Dieu et à Son Prophète. A celui qui a la charge de gouverner ce pays, je rappelle que Dieu l’éprouve plus qu’il n’en éprouve quiconque d’autre dans son pays. Je lui demande de ne pas céder aux tentations de la vie d’ici-bas. Et je répète aux frères algériens que toute tentative de détrôner un dirigeant est non seulement contraire à l’esprit du Coran et du Hadith, mais peut être aussi source de fitna, et risque de devenir une tradition pour les générations futures.
Entretien réalisé par M. Aït-Amara