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Sunday, January 05, 2014

Manif monstre à Tel Aviv

Le « cancer » dans la rue 05/01/2014 à 19h27

Manif monstre à Tel Aviv : pourquoi 30 000 Noirs sont sortis dans la rue

Renée Greusard | Journaliste Rue89


Des immigrés africains manifestent à Tel Aviv, le 5 janvier 2014 (HEIDI LEVINE/SIPA)
C’est la plus grosse manifestation de ce type qui ait jamais eu lieu en Israël. Ce dimanche, 30 000 demandeurs d’asile (selon la police) sont sortis dans la rue à Tel Aviv pour protester contre le traitement qu’on leur réserve en Israël. Le chiffre est impressionnant quand l’on sait qu’ils seraient en tout 60 000 Africains clandestins, selon les autorités israéliennes.
« C’est énorme », réagit Oscar Olivier, joint au téléphone, en parlant de la manifestation à laquelle il a participé. Congolais, il vit en Israël depuis dix-huit ans et milite à l’ARDC (African Refugee Development Center).
« Jusque-là, les gens n’osaient pas protester. Ils risquent d’être emprisonnés sans jugement. Ils ont fini par sortir dans la rue. La souffrance a vaincu la peur. La place de ces gens n’est pas en prison. Il faut les écouter. »

Grève de trois jours

Parallèlement à la manifestation, une grève de trois jours a été déclarée, à partir de ce dimanche :
« Nous demandons la libération des demandeurs d’asile enfermés sans raison. Et nous demandons à ce que les demandeurs d’asile soient écoutés. »
En septembre, la Cour suprême israélienne avait d’ailleurs jugé à l’unanimité inconstitutionnelle la loi qui permettait d’incarcérer sans jugement pendant trois ans des migrants illégaux. Au motif qu’elle allait contre une autre loi affirmant « la dignité humaine et la liberté ».
Depuis, le gouvernement a annoncé que certains migrants seraient placés dans des centres fermés, et d’autres dans des centres « ouverts ». Ils seront contraints d’y passer la nuit et de pointer régulièrement dans la journée, pour prouver qu’ils ne sont pas employés illégalement.
Une décision jugée absurde par l’opposition. A l’occasion de ce débat, une députée du parti de gauche Meretz a ainsi demandé :
« Auriez-vous placé Nelson Mandela dans un centre de détention ouvert ou fermé ? »

« Il y avait peut être 1% d’Israéliens »

La manifestation de ce dimanche s’est passée dans le calme raconte au téléphone David Sheen, journaliste américain freelance qui y était et suit de près ce sujet. Il parle d’une « atmosphère chaleureuse », avec une grande majorité d’Africains :
« Il y avait peut être 1% d’Israéliens. »
D’où viennent ces migrants ? Comme on vous le racontait en septembre 2012 :
« A partir du milieu des années 2000, avec le durcissement des politiques
migratoires de l’Union européenne et la multiplication des contrôles visant à
stopper les bateaux reliant les côtes d’Afrique du Nord à l’Europe, Israël est
progressivement devenue une alternative de choix pour des milliers de réfugiés africains, principalement originaires du Soudan et d’Erythrée. »

La politique du « shoot to stop »

Pour endiguer ces venues, le gouvernement israélien a choisi la méthode dure avec, entre autres, la politique du « shoot to stop » (tirer pour arrêter) et la construction d’une barrière ultra-sophistiquée à la frontière égyptienne.
Oscar Olivier est scandalisé :
« Il y a plus de migrants qui viennent d’Europe de l’Est, mais ça, ça ne pose pas de problème. Tout cela s’inscrit dans un climat de racisme. Avec des politiciens qui, à droite, incitent la population à du racisme. »
Les migrants africains sont accusés des pires maux, de banales agressions à des viols. Oscar Olivier rétorque :
« C’est facile d’accuser cette population qui ne maîtrise pas la langue du pays. Certes, certains Africains ont commis des actes inacceptables, mais c’est faux de dire qu’ils sont responsables de tous les problèmes. »

Climat ultra-raciste

En mai 2012, une députée du Likoud, parti de droite du Premier ministre Netanyahou, avait effectivement dit des clandestins africains qu’ils étaient « un cancer qui prolifère ». La façon de nommer ces migrants en dit long sur la façon dont ils sont considérés. On les appelle « les infiltrés », mais aussi les « Soudanais », comme le raconte Oscar Olivier :
« Ici, dès que quelqu’un est noir, il est soudanais. On parle donc même des Soudanais du Niger, des Soudanais du Congo ou des Soudanais du Ghana. »
Quand nous abordons ce sujet ensemble, David Sheen, le journaliste américain, pèse ses mots et parle plus lentement :
« Le niveau de racisme actuel en Israël, il peut être comparé à ce qu’on a connu dans d’autres pays occidentaux, il y a cinquante, soixante ans. Les gens se font insulter dans la rue. Souvent, quand les Noirs entrent dans les bus, les gens se bouchent le nez, bloquent les places à côté d’eux, ouvrent les fenêtres, pestent : “Ah ! Mais on n’a pas besoin de tous ces Noirs !”
Dans les autres pays, les gens sont gênés par leurs pensées racistes. Ils ne les disent pas en public. Là, non. C’est un racisme assuré, et dont les gens sont fiers. »

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