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Friday, November 28, 2014

Conquête de l'Algérie: Blida, le premier massacre de civils par l'armée française



Blida fut le théâtre du premier massacre de civils, commis par l’armée française, à peine plus de quatre mois après la prise d’Alger. 
C’était un triste 26 novembre 1830. Alger en Novembre 1830 En ce mois de novembre 1830, les environs d’Alger baignent dans l’anarchie. Arrivé le premier septembre, le général Clauzel, trouve 36 mille hommes retranchés dans la ville assiégées par les tribus de la Mitidja de plus en plus menaçantes(1). Le bey du Titeri, Mostapha Boumezrag qui avait fait allégeance dans une grande cérémonie à Alger, le 15 juillet, s’est retourné contre ses nouveaux alliés, et ses hommes menés par son fils, menacent les avant-postes et interceptent les convois de ravitaillement de la ville. Très rapidement, le nouveau commandant en chef s’attèle à réorganiser l’armée et l’administration(2). Militairement, il commence par « sécuriser » les faubourgs d’Alger en organisant des patrouilles régulières. Le 15 novembre, il décide la destitution de Boumezrag et son remplacement par Mustapha Ben El Hadj Omar, et commence les préparatifs pour marcher sur Médéa. Le but de cette campagne militaire était double : d’une part, regonfler le moral des troupes et laver l’affront de la désastreuse première expédition de Blida, menée par de Bourmont(3) ; d’autre part, le général en chef, « coloniste »(4) convaincu, voulait couper court aux espoirs des notables algérois nés de la révolution de juillet(5), en donnant un nouveau souffle à la conquête. « Cette boucherie dura si longtemps… » Le 17 novembre, Clauzel sort donc à la tête de 10 000 hommes dans une expédition punitive contre Boumezrag. Ralentie par un orage, l’armée coloniale bivouaque à Boufarik et le 18, en fin de matinée, elle est aux portes de Blida. Harcelée par les hommes de Ben Zaamoum, le chef de la très puissante tribu kabyle des Flissa, Clauzel donne l’ordre de détruire et d’incendier la campagne, alors qu’en ville, tous les hommes pris les armes à la main sont exécutés. « En ville on fusillait, presque sous les yeux du général en chef, tout ce qui était pris les armes à la main. Cette boucherie, présidée par le grand prévôt, dura si longtemps qu’à la fin, les soldats ne s’y prêtaient plus qu’avec une répugnance visible », raconte Eugène Pélissier de Reynaud(6). Après ces exactions, Clauzel envoya un émissaire demander aux hommes, femmes et enfants qui se sont réfugiés dans les gorges de l’Atlas, de revenir à leurs demeures. La plupart acceptèrent pour leur plus grand malheur. Le 21 novembre, l’armée reprend sa marche vers Médéa, en laissant une garnison de 600 hommes à Blida. Le 26 novembre, les hommes de Ben Zaamoum attaquent la garnison de Blida et lui imposent un combat de rue acharné. Retranchés sous la voute de la porte d’Alger (Bab Edzaïr), les soldats français se retirent dans le désordre. Ces militaires ne doivent leur salut qu’à un malentendu. Croyant au retour de l’armée de Médéa, les hommes de Ben Zaamoum se dispersent(7). Après le départ des Flissa, le colonel Rullière, frustré par l’attaque, ordonne la mise à sac de la ville. Le 27 novembre, de retour de Médéa où il a procédé à l’installation de Ben Omar après la reddition du bey du Titteri, Clauzel trouve la ville de Blida entièrement saccagée. « Blida, écrit Pélissier de Reynaud, était encombrée de cadavres, dont des vieillards, des femmes, des enfants autochtones et des Juifs, des gens tout à fait inoffensifs. Très peu paraissaient avoir appartenu à des gens qui eussent eu la volonté ou le pouvoir de se défendre. Après un si grand carnage, on ne trouva point d’armes sur les vaincus »(8). Hamdane Khodja parle d’un massacre épouvantable où rien ne fut épargné, « on cite des enfants à la mamelle coupée en deux, raconte-il, le pillage a été exercé partout ; on n’a même pas épargné les algérois qui s’étaient retirés dans cette ville pour fuir l’oppression du gouvernement français »(9). Après cet épisode, l’armée française se retire de la ville, non sans emporter des dizaines de manuscrits anciens volés de la grande mosquée de Blida. Ces manuscrits seront vendus aux enchères le 28 mai 1968 à l’hôtel Drouot. (10) Devoir de mémoire Le 26 novembre 1830 n’est qu’un épisode parmi tant d’autres que l’école a oublié de nous apprendre et qui a sombré dans notre amnésie collective. En 2012, l’Algérie célébrait le cinquantenaire de son indépendance. Les travaux qui nous ont été présentés, à cette occasion, se sont pour la plupart focalisés sur la Guerre d’Indépendance, omettant ainsi le fait que cette grande révolution était l’aboutissement de plus d’un siècle de lutte contre un système colonial abject et dont les séquelles sont encore visibles dans notre société. Or, à notre avis, il est primordial que les nouvelles générations connaissent leur histoire dans sa continuité ; l’histoire d’un peuple qui n’a jamais cessé de résister pendant 132 ans ; l’histoire de générations d’Algériens qui sont nés et sont morts sous la colonisation française, et pour qui l’Algérie indépendante était un rêve quasi impossible. Nazim Souissi et Zineb Merzouk Extrait du commentaire du film documentaire Merci pour la civilisation ! Récit des premières années de la colonisation (1830-1834) (Coécrit par Nazim Souissi et Zineb Merzouk. Réalisé par Nazim Souissi) (1) Le 23 juillet, les tribus de l’algérois se réunissent à Tamenfoust et décident de s’unir pour faire la guerre à l’occupant. (2) Presque tous les jours, la nouvelle autorité affichait à la population des arrêtés dont quelques uns vont bouleverser leur vie et pour longtemps : rattachement des biens waqf au Domaine, destruction des bazars de la basse Casbah… (3) Le 23 juillet 1830, une formation militaire, sous le commandement de De Bourmont, sort en reconnaissance dans la Mitidja. Cette expédition finira par la débandade des soldats français, suite aux attaques répétées des tribus de la région. (4) Coloniste selon la terminologie de l’époque (5) La révolution de juillet a eu un large écho partout en Europe, appuyant avec force l’émancipation des peuples notamment en Grèce et en Belgique. (6) Eugène Pélissier de Reynaud, Les Annales Algériennes, Tome I (édition de 1836), page 156. (7) Dans la confusion, le muezzin de la mosquée principale les induit en erreur en signalant le retour de l’armée de Médéa. (8) Eugène Pélissier de Reynaud, Les Annales Algériennes, Tome I (édition de 1836), page 166 (9) Hamdane Khodja, Le Miroir, page 211 (édition Sindbad) (10)Cité par Michel Habart, préface de La vie d’Abdelkader, de Charles-Henry Churchill (édition ANEP), page 10.

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